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L’histoire peu glorieuse des Hôtels, Cafés, Restaurants


Tout le monde sait que les employeurs des HCR ne respectent pas la Convention Collective Nationale des HCR de 1997 portant leur signature. Ce, après 16 ans de négociations pour y aboutir comprenant maintes effets dramatiques parmi les organisations patronales, scissions, révoltes de la base, etc.
Tout le monde sait qu’ils refusent de négocier la grille de salaires depuis cette même date.
Comment se fait-il qu’au 21ème siècle, en France, la plupart des professions possède des conventions collectives et/ou des accords qui améliorent le droit défini par le Code du travail alors que celles concernant les secteurs dits de « l’hospitalité » le détériore ?
L’attitude anti-sociale des employeurs est profondément ancrée dans leur culture patronale : la loi doit protéger celui qui possède contre celui qui ne possède rien.
Il y a un siècle, les personnels hôteliers étaient organisés comme les domestiques au service des bourgeois. Les employés vivaient sur place, étaient nourris sur place et devaient faire de si longs horaires qu’ils avaient rarement la possibilité de prendre du repos. Des journées de 14, 16 voire 18 heures étaient de règle. Lorsque des limitations à la durée du travail furent introduites à la législation, les employeurs trouvèrent la parade des heures d’équivalence, des périodes dites « d’inactivité » durant lesquelles les employés étaient censés se reposer. Les patrons retenaient sur les maigres salaires : l’hébergement, les repas, les vêtements de travail, les erreurs commises ainsi que
l’alcool consommé pour faire face aux conditions de vie. Alors que les syndicats de salariés n’existaient pas, des « corporations » de cuisiniers se formèrent dès 1842 pour prouver l’existence d’un véritable métier, d’un « art » de la cuisine et en vue de lutter pour l’amélioration des conditions de travail (1). Mais le patronat est si diffus qu’elles n’y sont jamais parvenues.
Dans les faits, voilà plus d’un siècle que les employeurs de ce secteur plaident une pénurie de main d’œuvre pour limiter les salaires et les « annexes » salariaux. La réalité de cette pénurie, un taux de mortalité plus élevé qu’ailleurs et une envie inouïe des employés de trouver un autre métier. Pour le second point, cela perdure
Il a fallu attendre les suites de la seconde guerre mondiale pour que le gouvernement de la « reconstruction », rassemblé sous l’égide du Général de Gaulle, prenne des mesures. En 1946, Alexandre Parodi, le Ministre de la Sécurité Sociale, fixa un plafond à l’évaluation des avantages en nature de nourriture et de logement dans la profession. Ceci mis fin aux surévaluations quasi-systématiques des retenues de salaire réduisant le salaire brut et par conséquent, le montant des cotisations sociales.
En 1947, « le Ministre des Travailleurs », Ambroise Croizat, ancien cégétiste (la CFDT n’existait pas !) d’obédience communiste, s’intéressa à la profession et imposa par les arrêtés qui portent son nom, des classifications et des salaires minima.
Bien entendu, c’est à cette époque que commencent à naître des syndicats patronaux afin de « lutter pour les intérêts de la profession » et contre « les restrictions à la liberté d’entreprendre ». Ils ont réussi à conserver « un régime dérogatoire » avec des heures d’équivalence, des horaires plus longs, des jours fériés en moins, etc.
Contrairement aux salariés qui doivent cotiser à leur organisation syndicale sur leurs revenus personnels, les adhésions aux syndicats patronaux se font sur les fonds « professionnels ». Autrement dit, c’est l’entreprise qui paient et ce, avant impôts ! Aussi, leur promotion est assurée par les Chambres de commerce, les Chambres des métiers, etc.
A la fin des années 1950, ils prennent un essor sur fond de poujadisme, une tendance qui perdure jusqu’à ce jour. Le petit commerçant et l’artisan seraient des « victimes » de la société, dépouillés par leurs salariés, l’État, l’Europe, la région, la municipalité, les clients
il ne leur reste plus qu’à revendiquer l’abolition des taxes et cotisations sociales qui les concernent ! Mieux vaut se poser en victime que d’apprendre à gérer son affaire !
Dans les années 1970, par réaction à l’introduction de la TVA en 1966, les employeurs des HCR ont essayé de priver l’Etat d’une partie de ses recettes en la calculant sur les prix net. A cette époque, les patrons tentèrent de rallier les salariés à leur cause. Argument principal : leurs salaires allaient baisser car les consommateurs n’accepteraient pas une augmentation des tarifs. Il a fallu une vingtaine d’années pour leur imposer une assiette de calcul de la TVA comprenant obligatoirement la main d’œuvre (15% de service) alors que cette question ne s’est posée dans aucune autre profession.
Cela révéla la confusion volontaire entre pourboires en espèces et 15% service et imposa un retour aux règles du « cahier de tronc » excluant la rémunération du patron et de l’encadrement hors contact direct avec la clientèle, etc.
Comme vient de déclarer un leader patronal dans la presse professionnelle : « Ce sont les salariés qui font le chiffre d’affaires ». En effet, mais plus qu’ils reçoivent en rémunérations, plus que prend l’Etat, moins qu’il en reste pour le patron !
Aujourd’hui, les organisations patronales s’inscrivent dans le droit prolongement de leur propre histoire et de leur propre logique. Petits patrons, ils tentent de s’assimiler aux salariés pour faire valoir une communauté d’intérêt en désignant un bouc émissaire, aujourd’hui la CFDT, demain la CGT, après demain FO, la CFTC ou la CGC. C’est culturel !
Ce qui est à déplorer, c’est l’approbation que ces actes anti-sociaux reçoivent du gouvernement. C’est incompréhensible qu’il verse des milliards d’euros aux employeurs d’une profession qui, depuis deux ans, démontrent leur intention de les empocher sans contrepartie ni aux salariés ni à l’intérêt national par la création d’emplois. Pire, c’est incompréhensible qu’il verse ces aides pour financer la régularisation d’emplois clandestins. Sciemment, car la profession est championne de l’emploi non déclaré et de la fraude fiscale !
Le retard pris par le Conseil d’Etat pour rendre son jugement (plus de 6 mois) est tout aussi incompréhensible – la CFDT continue à l’attendre avec autant d’impatience dans l’intérêt des 800 000 salariés des HCR.
En effet, la CFDT veut revenir au droit commun pour en finir avec les régimes dérogatoires. Pourquoi, à notre époque, les salariés des HCR n’auraient pas les mêmes droits tels qu’ils sont définis par le Code du travail, que tout autre salarié français ?
Notes :
1) On dit que l’histoire se répète… A l’époque de l’Empire Romain, 200 ans avant Jésus Christ, une organisation de cuisiniers fut le premier « collegium » professionnel officiellement enregistré auprès des autorités de l’état. Plus tard, ils furent suivis par les « maçons » (d’où les francs-maçons), les bâtisseurs, les architectes, les cordonniers, les poissonniers… Les cuisiniers échangeaient ainsi leur savoir-faire et s’organisaient pour défendre leurs intérêts collectifs.